Description
UNE GRANDE PEUR DU VIDE…
Salvatore Garau, un italien de 67 ans qui crée des « sculptures invisibles », a « installé » en février dernier son Buddha in contemplazione devant la Scala de Milan. Une œuvre qui correspond bien à ce que l’on pouvait en attendre. Il n’y avait en effet rien à voir, à part un simple carré blanc dessiné au sol, marquant l’emplacement supposé de la sculpture. Pour lui, elle existe bien. « Le vide n’est rien de plus qu’un espace plein d’énergie et même si nous le vidons, selon le principe d’incertitude de Heisenberg, le vide a un poids. Par conséquent, il a une énergie qui se condense et se transforme en particules. Après tout, ne façonnons-nous pas un Dieu que nous n’avons jamais vu ? ». On pourrait voir dans cette démarche une interrogation philosophique, Garau expliquant que sa sculpture invisible est une « parfaite métaphore de l’époque que nous vivons ».
En effet… car le vide a aussi un prix. Une autre sculpture invisible de Garau, baptisée Io Sono (Je suis) a été vendue aux enchères par la maison Art-Rite à Milan. Mise à prix 6.000 euros, elle a trouvé preneur pour 14.820 euros, après une lutte acharnée entre plusieurs acheteurs potentiels. Pour ce prix, l’heureux propriétaire, qui a souhaité conserver l’anonymat, est reparti avec un certificat de garantie et d’originalité et des consignes strictes. L’œuvre doit être installée dans une maison privée et dans une pièce vide de toute autre construction. Le centre de celle-ci doit être réservé pour la sculpture et dans un espace de 150 x 150 centimètres, ni plus, ni moins. Et Garau ne compte pas s’arrêter là. En projet, il compte bien exposer sept – un chiffre plein de symboles et de significations selon lui – œuvres invisibles dans plusieurs grandes villes du monde, en commençant par New York. Cerise sur le gâteau, Salvatore Garau a été accusé de plagiat par un artiste américain, Tom Miller. Celui-ci affirme avoir déjà réalisé une œuvre invisible en 2016, intitulée Nothing. Du Ready-Made de Marcel Duchamp à la banane scotchée sur un mur de Maurizio Cattelan en passant par l’œuvre autodestructrice de Bansky ou les toiles des artistes monochromatiques, ce n’est évidemment pas la première fois que l’art conceptuel cherche à nous interpeller, à nous forcer à réfléchir. Mais, devant les sculptures invisibles, difficile d’éprouver autre chose qu’un grand sentiment de… vide !
Frédéric BENOIT
Directeur de la Rédaction
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